Une nouvelle interview d'auteur sur le webzine : Ian Cecil.
Neoplaisir : Les lecteurs des collectifs Osez 20 histoires de sexe (éditions La Musardine) ont nécessairement déjà croisé ton nom dans l'un ou l'autre volume de la collection. De quand date ta collaboration à ces livres érotiques ? Comment a-t-elle débutée ? Combien de nouvelles ont-elles ainsi été publiées ?
Ian Cecil : Ma première nouvelle a été publiée dans le premier volume, Osez vingt histoires d’infidélité. Durant l’été 2009, soit neuf mois avant la parution du volume, alors que je consultais le site de La Musardine, je découvre leur proposition de participation. Fin août, sans y croire, je leur envoie une nouvelle que m’inspire le thème retenu. Le temps passe. Aucune réponse jusqu’au mois de janvier. Pour dire la vérité, et même si cela peut paraître peu vraisemblable, j’avais oublié que je leur avais envoyé quelque chose. Arrive un courriel dans lequel on m’annonce qu’elle est retenue. Depuis, je me laisse inspirer par (presque) tous les thèmes proposés. Après deux ans de collaboration, ce sont huit nouvelles qui ont été publiées. D’autres sont en cours de lecture.
As-tu des thèmes de prédilection, des nouvelles qui te tiennent davantage à cœur ? Pourquoi ?
Dans la plupart des textes érotiques que j’ai publiés à La Musardine par exemple, la dimension existentielle est fondamentale. À la fin de la nouvelle, le protagoniste n’est plus le même. Un événement lui a révélé un aspect essentiel de sa personnalité. Son être est mis en cause et radicalement transformé ; un bouleversement intime a eu lieu. Les scènes de sexe participent de cette révélation du personnage à son propre désir : elles font littéralement exploser ce qui inhibe le personnage, qui est enfin libéré. Oui, ce sont des nouvelles de libération. D’un autre point de vue, ce sont aussi souvent des nouvelles d’amour fou, d’amour absolu.
Au mois de mai dernier, tu as publié un recueil aux éditions Domnique Leroy, dans la collection e-ros : Sexagésime. De quoi s'agit-il ? Peux-tu nous raconter comment t'es venue l'idée d'écrire ces récits ?
Dans d’autres textes, tel Sexagésime (Dominique Leroy, 2012) ou La Sarabande des cocus (publication prévue chez Dominique Leroy en 2013), c’est l’humour et une allégresse que j’espère jubilatoire qui m’ont inspiré. Le sexe devrait pour moi être indissociablement lié à la liberté, la joie et l’épanouissement, et ce quelle que soit la forme qu’il prend pour chacun ; or c’est loin d’être le cas pour l’écrasante majorité des êtres humains qui peuplent la Terre. Dans Sexagésime et La Sarabande des cocus, le sexe exulte, il est une fête, les tabous n’existent pas.
Qu'est-ce que la littérature érotique et que n'est-elle pas, selon toi ?
Ouh là ! J’avoue n’avoir guère envie de théoriser, clôturer, inclure et exclure, bénir ou condamner. D’autres s’en chargent, le plus souvent en considérant leurs écrits ou leurs goûts comme le mètre étalon.
Certes, tu écris des œuvres érotiques, mais en lis-tu également ? Si oui, lesquelles ? Pourquoi ? Quand ? Comment ? Souvent ? En somme, quelles sont tes pratiques de lecture érotique ?
Mes lectures les plus marquantes ont été l’Histoire de Juliette et la Justine de Sade. J’y ajouterai Le Portier des Chartreux. Une longue liste me vient ensuite, des fabliaux du Moyen Age à Bataille en passant par Boccace, les romans picaresques, les libertins des xviie et xviiie siècles et beaucoup d’autres, que je ne nomme pas parce que le but n’est ni d’être exhaustif ni de paraître savant. Je ne méconnais surtout pas l’étendue de mon ignorance.
Je parviens difficilement à lire et à écrire en même temps. Du coup, je ne lis pas autant que je le souhaiterais.
En novembre doit paraître un autre texte de ta composition, un e-book aux éditions Dominique Leroy, qui a pour titre L'Impératrice. Peux-tu nous raconter de quoi il s'agit, comment et quand a été écrit ce récit ?
Ce roman a été écrit en 2001 après la lecture de plusieurs textes érotiques chinois publiés chez Picquier. Sans trop déflorer le sujet, on peut dire que cela se passe aux alentours du xviie siècle, dans une Chine imaginaire et fantastique où se déroulent des scènes d’une pornographie sensuelle ou horrifique rendue épique par le climat, les lieux et certains personnages. L’un d’entre eux rappelle l’Héliogabale d’Antonin Artaud.
L'Impératrice, c’est une jeune femme qui, s’étant enfuie au moment de se marier parce qu’elle découvre une vérité insupportable, est recueillie par le tenancier d’un bordel avant de devenir (enfin, paraît-il) la première Impératrice de Chine. À sa façon, c’est aussi un roman féministe, au sens le plus noble du terme : dans des conditions effroyables, une femme repousse le pouvoir écrasant des hommes. La fin ? Non, je ne dirai rien ici.
La sortie du quotidien, qu'il s'agisse d'une époque (le Moyen Âge avec Sexagésime) ou d'une contrée (la Chine avec L'Impératrice) t'est-elle nécessaire pour écrire ? L'érotisme est-elle aussi une forme d'écriture qui sort du quotidien ?
La sortie du quotidien est en effet un impératif absolu, lorsqu’il s’agit d’écriture érotique, car mes romans non érotiques s’inspirent de certaines des pires monstruosités que génère notre monde. Dans l’univers érotique qui est le mien, il s’agit de vivre : mes récits érotiques peuvent ainsi prendre place dans un cadre familier, mais décalé, dépourvu de ce qui le censure ou le pervertit. (Par « ce qui pervertit », j’entends ce qui se présente souvent comme incarnant le bien et la vertu ; ceux qui pervertissent sont de ce point de vue ceux qui stigmatisent la plupart des comportements sexuels et les assimilent à des déviances, des maladies, des perversions.)
En dehors de L'Impératrice précédemment citée, quelles seront les publications à venir ? Quels sont tes projets d'écriture ?
Les textes érotiques continuent de germer et de fleurir comme des pousses fragiles, des bouquets protéiformes ou des plantes carnivores. Par ailleurs, je viens de terminer un roman dans lequel on découvre l’un des futurs possibles de notre planète, une fois pleinement consommées certaines aberrations majeures de notre époque.
Maintes nouvelles seront je l’espère encore publiées à La Musardine, plusieurs textes sont en attente de publication chez Dominique Leroy, et sous d’autres noms j’ai publié plusieurs livres chez différents éditeurs. Je ne peux vivre sans écrire.