Neoplaisir : - Isabelle Lorédan, vous êtes à la fois blogueuse (et même doublement suite à la création d'un blog de lecture en plus de Fantasmagor'Isa), rédactrice pour le magazine Fusion'elle et nouvelliste pour les éditions Blanche, La Musardine et Dominique Leroy, sans compter que nous pouvons lire quelques-uns de vos textes sur Revebébé ou encore La Vénus Littéraire. Comment gérez-vous toutes ces activités ?
Isabelle Lorédan : - Ma foi,
comme je peux !
Certaines activités
sont ponctuelles (comme
mes écrits pour Fusion'elle,
ou mes publications
à la Vénus Littéraire
ou chez Revebébé),
d'autres se font
plus sur le long
terme et demandent
plus de temps. L'écriture
de nouvelles est prenante,
encore que j'aie la
faculté, une fois
les premiers mots posés,
de pouvoir écrire quasiment
d'une seule traite.
Pour
le reste, les chroniques
de livres -érotiques
ou non-, c'est avant
tout un plaisir :
celui de lire. C'est
une passion qui m'habite
depuis l'enfance, et qui
ne fait que s'accroître
au fil du temps.
Pour écrire, il faut
se nourrir des mots
des autres... C'est peut-être
cette activité là qui
me prend le plus
de temps au final,
je lis partout !
Heureusement, mon mari
le comprend puisqu'il
est comme moi. N'exerçant
pas d'activité professionnelle,
j'ai donc tout le
temps de me consacrer
à mes passions.
- Votre première publication a été une nouvelle aux éditions Blanche. Quel était ce texte ? Avez-vous une anecdote à nous raconter à propos de cette publication ?
Ma nouvelle parue dans Folies de femmes en 2010 était Les feux de l'enfer. En fait, j'avais envoyé des textes longs aux Éditions Blanche et, un jour, j'ai reçu un courriel de Franck Spengler m'informant qu'il aimait beaucoup mon style, mais que le format des textes proposés ne correspondait pas à celui exigé pour les collectifs. N'ayant pas de nouvelles à ce format (15 000 signes), j'ai composé celui qui a été publié en raccordant entre eux plusieurs petits textes indépendants, dont le seul point commun était l'amour au féminin. Ainsi sont nés Les feux de l'enfer, ce qui explique en partie les imperfections dont ils sont truffés.
- Avez-vous des thématiques de prédilection ? Nous pouvons remarquer dans L'héroïne délicieuse qui figure dans le recueil Transports de femmes publié début 2011, que le saphisme est à l'honneur, et dans Un, deux, trois... Nous irons en croix, e-book à paraître dans quelques semaines, vous évoquez en plus d'une relation de domination l'amour de deux femmes. Ce thème vous est-il particulièrement cher ?
En effet,
pour que j'écrive de
l'érotique réussi (tant
qu'à faire, c'est le
but), il me faut
un sujet qui réussisse
à m'émouvoir. Le
saphisme en fait
partie, même si
je ne suis pas
lesbienne. Il permet
d'exprimer des choses
beaucoup plus douces,
tendres, qu'une relation
hétérosexuelle.
En écriture
érotique peut-être
encore plus que dans
d'autres domaines,
si l'on ne sort
pas des sentiers battus,
on a vite fait
le tour du sujet.
C'est pourquoi j'aime à
m'aventurer dans l'exploration
de sexualités moins conventionnelles,
comme le lesbianisme,
le sado-masochisme.
- D'après des écrits placés sur votre blogs comme des contes qui évoquent des lieux qui vous sont proches, votre région est de première importance pour vous. En incipit, j'évoquais votre participation à Fusion'elle, magazine franc-comtois en ligne. Comment vous êtes-vous trouvée engagée dans cette aventure ? Qu'écrivez-vous pour ce webzine ?
- Je suis
en effet très attachée
à la Franche-Comté
et à son histoire.
Je rappelle qu'elle a
donné à la France
des personnages illustres
tels Louis Pergaud, Marcel
Aimé, Victor Hugo, Tristan
Bernard et bien
d'autres encore. Pour
Fusion'elle, cela s'est
fait totalement par hasard
après que j'en aie
entendu parler à
la radio. J'ai alors
contacté la rédactrice
en chef, Céline Flajeolet,
par internet, lui proposant
de l'aider à trouver
des points de vente.
Nous nous sommes rencontrées,
et au cours de
la discussion, je
lui ai appris que
j'écrivais. Séduite par
mes textes érotiques,
elle m'a alors demandé
si elle pouvait en
publier un, ainsi
qu'une nouvelle de la
série « Contes et
légendes ».
L'arrêt du magazine « papier » a retardé
ce projet, mais ces
parutions doivent en
principe se faire
sur le blog du
magazine. J'ai eu
l'occasion aussi de
couvrir un événement
local, en écrivant un
article à propos
du tournage d'un docu-fiction
, Les routes
des abolitions
tourné par Alain Maline
qui doit être diffusé
à l'automne sur France
Télévision.
Pour novembre,
je travaille à un
dossier de société
qui traitera des violences
faites aux femmes, un
thème qui me tient
à cœur et qui
devrait paraître pour
la Journée internationale
contre les violences
faites aux femmes.
Enfin,
j'écrirai un article
qui parlera du « Salon
du livre érotique &
des dessous chics »
d'Evian, où je
me rendrai les 19
et 20 novembre 2011,
et j'espère pouvoir y
relater de belles
rencontres avec des
écrivains que j'admire,
telle Françoise Rey.
- Après différentes participations à des recueils collectifs de nouvelles érotiques comme le volume ouvert aux plumes féminines que publient chaque année les éditions Blanche, les livres en format poche de la collection Osez 20 histoires de sexe et l'e-book gratuit inaugurant la collection e-ros des éditions Dominique Leroy, sera édité très prochainement un premier e-book en solo. Pouvez-vous évoquer cette nouvelle érotique ?
- A l'origine,
cette nouvelle et celle
parue dans Osez
20 histoires
de soumission
& domination
n'en formaient qu'une seule,
fort longue, et écrite
sur plusieurs années. Trop
longue pour une nouvelle,
trop courte pour un
roman, j'ai du procéder
à une scission.
C'est un texte qui
me tient énormément
à cœur, car c'est
grâce à lui que
tout à démarré pour
moi. C'est en effet
le premier pour lequel
j'ai envisagé de tenter
la publication.
J'ai
dû procéder à des
aménagements, afin de
rendre cette seconde partie
indépendante, sans que
cela ne dénature l'idée
originale.
S'il y
est question de relation
sado-masochiste et de
libertinage, j'ai mis
un point d'honneur
à ce que les
sentiments - ainsi qu'un
brin d'humour - restent au
cœur de l'histoire.
On y découvre un
couple étonnant, à trois
composantes. À l'époque
où j'ai écrit cela,
le polyamour n'était pas
aussi mis en avant
qu'aujourd'hui !
- Le titre Un,
deux, trois...
Nous irons
en croix
pourrait se chantonner
et pourtant le texte
appartient à la
collection e-ros
D/s, ces deux dernières
lettres signifiant
domination et soumission.
Tout de suite, cela
donne moins l'envie de
fredonner l'air enfantin,
surtout lorsque l'on
arrive au mot « croix ».
Comment cette ambiguïté
est-elle gérée dans
votre nouvelle ?
- Et pourquoi
ne chantonnerait-on pas
dès lors que l'on
parle de domination
et de soumission ?
La vision que j'ai
de ces pratiques
est loin de l'univers
sombre de Sade ou
de Florence Dugas (pour
ne citer que les
auteurs les plus
noirs du genre). Pour
moi, ça peut - ou
ça doit - être quelque
chose de ludique, dont
le seul but est
le plaisir de chacun.
C'est ce message-là
que j'ai voulu faire
passer au travers de
mes mots. Loin des
donjons sophistiqués
et froids, des Maîtres
impitoyables, mes héros
sont humains, amoureux et
joueurs, et je
pense que cela correspond
plus à ce que
vivent les lecteurs,
sans pour autant dénaturer
ce qu'est le sado-masochisme.
Il y a un
réel besoin de dépoussiérer
le genre, comme l'a
très bien fait Emma
Cavalier dans son
roman Le Manoir,
qui est l'anti-Histoire
d'O par excellence. (Note de Neoplaisir : Le Manoir est le premier roman d'Emma Cavalier, publié en août 2011 aux éditions Blanche.)
- Nous ne pouvons pas conclure cette interview sans évoquer vos projets littéraires. Quels sont-ils ? Qu'aimeriez-vous faire ? Et qu'aimeriez-vous ne pas faire ?
- Entre autre projet, après avoir travaillé la nouvelle sous différentes formes, j'aimerais beaucoup aborder le roman. Mais je manque peut être encore un peu de méthode pour me lancer. Sinon, j'ai deux manuscrits en cours d'écriture depuis pas mal de temps : l'un portant sur les contes et légendes francs-comtois (que vous évoquiez plus haut), et l'autre qui est tout à fait particulier, et qui évoque mon passé de femme victime de violence conjugale. J'aimerais beaucoup que ce dernier aboutisse et soit publié un jour, afin de dire à toutes celles qui vivent cela au quotidien qu'il n'y a pas de fatalité et qu'il y a une vie heureuse possible quand on sort de l'enfer. Rien de bien érotique dans tout cela, mais l'érotisme n'est qu'une partie de mon registre d'écriture.
Ce que je n'aimerais pas faire ? En fait, je n'aimerais pas avoir à renier ce que je suis pour réussir en littérature (érotique ou non).
Bibliographie d'Isabelle Lorédan :
Les feux de l'enfer in Folies de
femmes, Éditions Blanche, 2010
Les mémoires d'un amant in Osez
20 histoires d'infidélité, Éditions La Musardine, 2010
L'héroïne délicieuse in Transports
de femmes, Éditions Blanche, 2011
Équation amoureuse in eXercices
stylistiQues, Éditions Dominique Leroy, 2011
L'offrande sublime in Osez 20 histoires
de soumission & domination, Éditions La Musardine, 2011
Un, deux, trois... Nous irons en croix, Éditions Dominique Leroy, à paraître en octobre 2011