J'ai lu il y a quelques temps le livre de Jean-Claude Picquard, Les deux extases sexuelles. Rappelez-vous, c'était ici...
L'auteur a bien voulu répondre à nos questions sur l'orgasme et la jouissance, chez la femme et chez l'homme, sur la transmission du savoir sur la sexualité et bien d'autres points encore... Ecoutons-le :
Jean-Claude Picquard : J’ai travaillé longtemps en tant ergothérapeute, j’ai exercé cette profession paramédicale en institution souvent psychiatrique où j’ai été confronté aux difficultés et aux souffrances psychiques. J’y ai beaucoup appris sur la psyché humaine.
J’ai toujours pensé qu’il y avait un manque, une vacuité dans la transmission intergénérationnelle de la sexualité. Il est vrai que j’ai vécu mon adolescence un peu avant 68, dans un désert sans aucune connaissance sexuelle. Puis les médias en ont parlé et je pensais que tout le retard avait été rattrapé. Or, en 2002, en parlant avec des amis du livre La vie sexuelle de Catherine Millet, j’ai compris qu’il restait un trou dans la connaissance sexuelle et que la définition de l’orgasme en était le centre.
J’ai commencé à écrire pendant mes études de sexologie puis l’idée d’en faire un livre est venue.
Dans le dictionnaire, l’orgasme est le point culminant du plaisir et, en général, la sexologie s'accommode de cette définition. Ainsi, dans l’émission de Brigitte Lahaie, sur RMC, une après-midi où elle invitait à parler de l’orgasme, une auditrice témoigne : c’est lorsqu’il rentre du travail et qu’il me regarde. Certes, sa réponse est compatible avec la définition du dico, mais on constate que cette définition est trop incomplète et ne permet pas de transmission entre générations.
L’histoire de la sexualité en Occident éclaire vraiment notre présent. La répression forte de la masturbation masculine a commencé vers 1750, un peu avant la révolution française. L’interdit de la masturbation féminine est apparu plus tard. En effet, on croyait que le clitoris jouait un rôle dans la procréation jusqu’en 1875, année de la découverte de l’ovule. Rapidement, commencent la décadence du clitoris et l’interdit de la masturbation féminine, avec de nombreux cas d’excision punitive chez des masturbantes récalcitrantes, ici, en Occident au début du 20ème siècle !
Rapidement, la connaissance du clitoris va reculer, y compris sa représentation dans les planches d’anatomie médicale où il atteindra son plus bas niveau dans les années … 1960 !
L’Occident a alors connu une déferlante d’excision psychique !
Une étude récente montre que la moitié des jeunes filles de 13 ans ignorent qu’elles ont un clitoris, et seulement 16 % d’entre elles savent à quoi il sert ! Elles sont visiblement encore victimes de l’excision culturelle !
La masturbation permet de découvrir son corps, ses plaisirs, ses désirs. Et plus on active les circuits de la sensualité, plus ils sont réactifs tant dans l’intensité que dans la finesse et la variation des plaisirs. Le Belle au bois dormant a dû mettre pas mal de temps avant de se réveiller sensuellement, car ses circuits sensuels étaient eux aussi totalement endormis !
La masturbation permet aussi d’atteindre l’orgasme et d’activer les circuits de l’orgasme. De plus, l’orgasme, même en solo, a un rôle important de résolution de la tension sexuelle et ainsi d’apaisement, de sérénité.
Pour l’homme, la tension sexuelle est souvent (mais pas toujours) en corrélation avec l’accumulation du sperme dans les vésicules séminales, près de la prostate. Et comme l’orgasme est le plus souvent concomitant avec l’éjaculation, la résolution de la tension sexuelle est en partie liée au fait de vider les vésicules séminales, le tout dans l’acmé de plaisir.
Au cours de la masturbation, l’homme peut aussi apprendre à maîtriser sa montée vers l’orgasme, ce qui lui sera utile lors de ses relations sexuelles.
Pour la femme, l’orgasme, essentiellement clitoridien, joue le même rôle, l’orage neurologique qu’il déclenche (contractions vaginales, spasmes, tachycardie, plaisir) génère une décharge orgasmique qui résout la tension sexuelle et procure un apaisement.
Dans les années 1990, est apparu le concept de femme vaginale ou clitoridienne avec une forte connotation d’exclusivité : une femme est soit vaginale, soit clitoridienne, il lui faut choisir ! (au passage, je suis intéressé par toute information sur l’origine de ce concept).
La sexologie médicale, au niveau mondial, dit actuellement que l’orgasme, qu’il soit vaginal ou clitoridien, n’est qu’une seule et même entité, ce qui, à mon avis, n’est guère plus éclairant.
Je propose une théorie où l’orgasme est essentiellement clitoridien. Mais alors, quid de l’immense plaisir vaginal ? Je propose de le nommer jouissance. L’orgasme (essentiellement clitoridien) résout la tension sexuelle et la jouissance (essentiellement vaginale) emplit et nourrit de plaisir.
L’homme doit faire le deuil de donner l’orgasme avec son sexe, il le fera plutôt avec son doigt ou avec sa bouche. Par contre, nommer la jouissance (vaginale) permet de réhabiliter le sexe de l’homme.
Oui, avec en plus le risque d’aller vers la quête de performance. Selon ma théorie, l’orgasme de l’homme est lié à l’éjaculation. En ce sens, la pluri-orgasmie masculine n’est pas possible. Par contre, l’homme peut éprouver de la jouissance, un immense plaisir en dehors de la montée vers l’orgasme, ce qui n’est pas si facile, car il a le clitoris-gland au centre de l’action ! Est-ce cet immense plaisir qui est nommé orgasme du fait du manque de clarté de la définition de l’orgasme ? Probablement. Et lorsque l’homme atteint la jouissance, comme défini ci-dessus, il explore ainsi sa part la plus féminine …
Parler, mettre des mots, nous permet d’élaborer une représentation psychique qui, qu’on le veuille ou non, va ensuite guider nos actes. L’absence de parole, le tabou, laisse inévitablement la porte ouverte aux représentations floues voire fausses et cela risque d’enrayer la possibilité de construire une sexualité épanouie.
Il est donc important d’avoir des mots justes pour en parler au sein du couple, entre amis et surtout entre générations. Cela est d’autant plus important que les parents ne devraient jamais parler à leurs enfants de leur propre sexualité, mais de la sexualité en général. D’où la nécessité d’avoir des mots justes et appropriés pour en parler.
En 1992, j’ai travaillé dans un service avec des paraplégiques. Les lésions de la moelle épinière affectent souvent la fonction sexuelle. A l’époque, la sexualité de ces patients était très mal prise en compte. La connaissance médicale de la sexualité était incroyablement faible ! Lorsque la médecine parvenait à rétablir l’érection, elle pensait que la sexualité était totalement rétablie, alors que le patient ne ressentait toujours rien. Donc, à l’époque, la représentation sexuelle était : virilité = bander.
Depuis, la science a fait des progrés. Les difficultés sexuelles des paraplégiques sont beaucoup mieux traitées tant sur le plan médical que psychologique, avec notamment l’intervention de sexologues.
Oui, de nombreux.
D’abord, je souhaite écrire pour les ados, là où les représentations sexuelles se construisent. Mais comment les amener à lire à propos de la sexualité ? Mon 1er livre est un essai, peu attractif pour les ados. Les manuels de sexualité sont souvent un peu arides. J’ai donc choisi de ré-écrire Les deux extases sexuelles sous forme de conte pour adolescent.
Je me suis inspiré pour le plan d’un livre ancien (1650) L’école des filles, où une jeune fille ignore tout de la sexualité. Sa cousine, plus âgée, l’informe. Le récit est vivant et même légèrement érotique. Le manuscrit est fini, il cherche son éditeur, ce qui n’est pas facile car ce style d’écrit est atypique. Quel éditeur aura l’audace de le publier ?
Puis je souhaite écrire sur la représentation en image du sexe. En effet, notre civilisation est iconoclaste quant aux organes génitaux. Or nous avons besoin d’images pour construire notre propre symbolique. La plupart des manuels d’initiation à la sexualité ne contiennent que quelques croquis en noir et blanc ! Cela explique probablement la grande diffusion des Kama-sutra où on trouve ces images. Et si la pornographie a pris tant de place, c’est que la place était libre, inoccupée, en l’absence d’images esthétiques, artistiques des sexes.
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